S'outiller face à la répression
La répression c'est quoi ?
Face à la montée en puissance des collectifs en lutte et de leurs actions pour empêcher les projets imposés et polluants on entend souvent que la « répression s’intensifie ». En effet les pouvoirs publics de l’Etat mettent en place de gros moyens administratifs, policiers et judiciaires pour éviter les perturbations de l’implantation des projets d’aménagement du territoire. La répression peut aller de la simple surveillance passive à un réel harcèlement durable des militant·es.

Même si vous avez l’impression que votre collectif n’a pas encore franchi la ligne rouge dans les actions de désobéissance, il est possible que les services de renseignement territoriaux ont déjà un oeil dessus. Il est donc important, dès la naissance du collectif de se protéger face à cette surveillance et à ses conséquences.
Se protéger et s’outiller lors d’actions militantes
Lors des actions et mobilisations, les militant·es du collectif peuvent être contrôlé·es par les forces de l’ordre, et en fonction de l’action en cours, placé·es en garde à vue voire poursuivi·es lors de procès.
Il est donc essentiel d’avoir en tête ces risques et de se préparer aux différentes situations afin d’y réagir au mieux. Ainsi, afin de protéger les autres militant·es, face à la police éviter de donner trop d’informations il est crucial d’en dire le moins possible et de garder le silence.
Différents briefings existent en fonction des situations. Lors d’un contrôle d’identité par exemple, la loi n’oblige qu’à donner la petite identité (Nom, Prénom, Date et lieu de naissance, Nationalité, Domicile). Lors d’une garde à vue, le ou la militant·e a des droits pendant sa privation de liberté qu’il est bon de connaître. Des détails sur comment une garde à vue se déroule sont disponibles ici.
Même si ces notions sont peu réjouissantes il est essentiel de bien se préparer et informer les militant·es pour éviter les surprises et les erreurs qui peuvent être lourdes de conséquences.
Ainsi avant de partir en action, assurez vous que le groupe est briefé, qu’il a en tête un·e avocat·e, de préférence sympathisant·e, à contacter et un·e proche qui pourra prévenir le reste du groupe militant (ou que le groupe pourra prévenir). Il est aussi précieux de s’informer de ses droits, des risques et menaces précises qui pèsent sur les actions, et de connaître institutions policières et judiciaires susceptibles de les mettre en oeuvre.
Protéger le collectif au quotidien
Les menaces peuvent nous sembler disproportionnées par rapport aux actions menées par le collectif à un moment T. Pourtant, prendre les bons réflexes dès maintenant semble important. En effet, ce n’est pas dans l’urgence qu’on saura les mettre en place sereinement. Ceux-là apporteront un sentiment de sécurité aux plus anxieux d’entre vous. Aussi, ce n’est pas à postériori, quand les pouvoirs publiques nous auront dans le viseurs, que l’on pourra se protéger. Enfin, apprendre dès maintenant permettra au collectif de se projeter plus sereinement si de futurs actions plus impressionnantes étaient planifiées ou que le contexte répressif devait évoluer brutalement.
Ainsi, certain⸱es parlent de l’adoption d’une culture de la sécurité ou culture de la protection collective. Il s’agit d’avoir des pratiques quotidiennes qui ne laissent pas de traces et qui n’exposent pas ses camarades. Ces pratiques peuvent faire l’objet de discussions collectives, de sorte que chacun⸱e comprenne l’intérêt pour le groupe de chaque geste, et qu’elles soient adaptées aux enjeux du groupe. Cette culture de la sécurité peut faire l’objet d’ateliers et de formations, notamment sur la sécurité numérique. On peut aussi animer un débat mouvant pour visibiliser la manière dont cette culture influence la dynamique du groupe.
Certains bons réflexes à adopter par exemple :
- S’astreindre ensemble à rester discrets sur les informations sensibles ; cela signifie n’en parler que dans les temps dédiés et avec les personnes concernées, ne pas parler publiquement des actions passées ou futures et des personnes qui prennent pas à leur organisation à des personnes qui n’ont pas absolument besoin de le savoir.
- Ne pas prendre son téléphone en action ou en réunion pour éviter la géolocalisation des militant·es par « bornage » aux antennes téléphoniques ; et ainsi rendre plus difficile l’identification de nos réseaux.
- Ne pas utiliser les sms ou les appels téléphoniques, mais leur préférer des messageries cryptées telles que Signal téléchargeable sur les smartphones et ordinateur.
- L’utilisation d’un pseudo en action, lors des réunions, peut éviter une identification trop aisée par les renseignements. Néanmoins elle ne fait pas toujours sens pour des personnes qui seraient visibles et très implantées dans le territoire.
- Correspondre avec une adresse mail sécurisée comme protonmail ou riseup (de préférence) qui ne contient pas nos prénoms et noms. Pour les informations les plus sensibles il s’agira de correspondre par mail avec des moyens de chiffrement. Voir aussi auto-défense courriel.
- Crypter son ordinateur ou un dossier sensible avec un logiciel comme Veracrypt et bien éteindre la machine avant d’aller dormir (en cas de risque de perquisition).
- Utiliser le navigateur « Tor » afin de ne pas laisser de traces numériques des sites que vous visitez
- Eventuellement vous pouvez utiliser un VPN comme celui de riseup, il est à mettre en place avant toute navigation et s’assure de justement camoufler votre trace sur les sites visités
- En fonction des pratiques militantes utiliser une clé tails pour ne pas « laisser de traces » sur un ordinateur.

Pour faire ses Premiers pas dans cette culture de la sécurité.
Pour aller plus loin sur le sujet de la protection informatique, l’excellent guide d’Autodéfense numérique.
Rester solidaires
Solidaires face aux violences physiques et psychiques
Qu’elle soit policière ou judiciaire, la répression ne se vit pas pour tout le monde de la même manière, selon les circonstances, les pressions qui sont exercées, les craintes des conséquences. Les violences et humiliations policières, les gardes à vue, les comparutions devant la justice peuvent affecter avec des intensités très différentes des personnes qui les vivraient en même temps, séparément ou ensemble. La répression active la honte, la souffrance, des traumatismes. La répression crée de l’isolement.
Pour l’endiguer, nous pouvons apprendre à nous soutenir, être attentifs à la manière dont les autres ont vécu les confrontations avec police et justice, particulièrement dans l’entourage proche et au sein d’un groupe de personnes qui ont partagé une garde à vue ou qui sont inculpé·es ensemble.collectif.
Pour prendre soin de chacun⸱e d’entre nous, mais aussi pour créer un cadre de soutien et d’accompagnement collectif, des collectifs se sont montés et propagent de nombreuses ressources et pratiques. Voir la page du Soin face à la répression (en cours de création).
Solidaires face aux poursuites judiciaires
Il est possible de construire des comités de soutien à partir et avec les proches, s’organiser pour porter et partager les charges mentales du suivi judiciaire et de la construction d’une défense, les charges financières des procédures avec les personnes poursuivi·es.
Comme source d’inspiration d’un groupe de soutien da, voir le documentaire Relaxe d’Audrey Ginestet, où l’on suit Manon, inculpée dans « l’affaire Tarnac », à l’approche du
procès 10 ans plus tard.
Il est aussi possible de s’appuyer sur les groupes anti-répression qui sont constitués dans toute la France et reliés par le Réseau d’Autodéfense Juridique et de défense collective (RAJCOL) et sont habitués à assurer un accompagnement en concertation avec les inclupé·es et leurs soutiens. Ces collectifs obéissent tous à des principes fondamentaux de solidarité face à la répression :
- La non-dissociation : face à la justice, malgré les disparités de vues et de parcours, d’expériences et de motivations qui peuvent co-exister au sein d’un groupe de personnes, il est important que la défense de l’une ne se fasse par au détriment d’une autre.
- La défense collective : les précédents judiciaires, les origines sociales, les charges différentes qui pèsent sur chaque personnes interpellée ou poursuivie dans une même procédure peuvent créer des disparités importantes dans le jugement. La défense collective est une construction conjointe entre inculpé·es, avocat·es, entourage et groupes de soutien qui permet de rechercher ensemble, au consensus, la meilleure défense commune pour la meilleure issue au jugement pour tout·es.
- Un certain nombre d’avocat·es sympathisant·es sont habitué·es à défendre des militant·es dans toute la France, en lien et concertation avec des groupes de soutien juridique. Les choisir permet d’éviter des honoraires potentiellement très élevés, et de se prémunir de pratiques de défense qui n’obéiraient pas aux principes précédents et se feraient au détriment d’autres inculpé.es.