Des collectifs sûrs
Un groupe, c’est souvent un petit théâtre de la société dans lequel se rejoue ce qu’elle a de meilleure comme de pire. Les oppressions systémiques telles que le sexisme ou le racisme se retrouvent dans nos groupes. Un groupe militant c’est aussi souvent un lieu d’expérimentation pour changer nos habitudes pour le meilleur! Des outils pratiques existent pour tenter de poser un cadre plus sûr pour son collectif ; poser une membrane de confiance, construire une culture commune du consentement, se former et s’informer des différentes discriminations à l’œuvre.
Les oppressions systémiques
Racisme, Sexisme, Homophobie, Transphobie, Validisme, Âgisme, Grossophobie, … Toutes ces oppressions sont dites systémiques car elles s’inscrivent dans l’histoire de la société occidentales, qu’elles sont reproduites par les institutions, mais aussi parce qu’on les retrouve dans nos dynamiques de groupes ainsi que dans nos schémas de pensées individuels. Celles-ci ont des impacts forts sur la santé mentale et physique des personnes opprimées.
Train-train des oppressions systémiques par Mélitruc (à diffuser à prix libre)
Pouvoirs et privilèges
Roue des privilèges du Regroupement Féministe du Nouveau-Brunswick – inspiré du travail de Sylvia Duckworth
L’infographie ci-contre propose une représentation visuelle de la manière dont ce système d’oppression distribue de les privilèges ; le privilège désignant « un avantage social que possède une personne du simple fait de sa position sociale sans qu’elle en est nécessairement conscience ».
Si cette représentation nous est utile pour visibiliser les différents critères de discriminations, c’est aussi une simplification du réel. L’intersectionnalité nous apprend que toutes ces dimensions sont liées, que les identités ne pas sont univoques, unidimensionnelles et uniformes, elles sont complexes.
Enfin, si la grille d’analyse des oppressions systémiques est essentielle pour conscientiser les oppressions, elles doivent être couplées avec d’autres analyses et savoirs faire en cas de gestion conflit ou d’agression dans votre collectif.
Rapports de domination
Les oppressions systémiques distribuent les pouvoirs et les privilèges dans la sociétés sur des critères abjectes, construisant ainsi des rapports sociaux qu’on ne défera qu’en défaisant le système patriarco-capitaliste-impérialiste.
Néanmoins, à l’échelle de nos collectifs, l’on peut travailler à empêcher les rapports de dominations de s’installer. Dominer, c’est exercer « son pouvoir sur » quelqu’un. Les actes et rapports de dominations s’appuient souvent sur les oppressions systémiques, mais pas toujours.
En positif, ce l’on cherche, c’est à construire des collectifs où chacun⸱es a la place de s’exprimer et d’activer ses puissances d’agir.
Pouvoir "sûr" et pouvoir du dedans
Au « pouvoir sur », Starhawk oppose le « Pouvoir du dedans », c’est à dire la puissance d’agir de chaque personne. Elle et tous les anarchistes qui tentent de défaire les rapports de dominations nous apprennent à ne pas rejeter le Pouvoir, car c’est bien lui qui nous permet in-fine d’agir, de transformer le monde. Il s’agit de chercher les sources de notre pouvoir, de notre « puissance », à l’intérieur de nous, dans ce qui nous meut et nous anime, plutôt que sur la domination d’autrui.
Tableau des chef⸱fes, pour réfléchir et travailler aux différents types de pouvoirs actifs dans nos groupes
Si conscientiser l’impact des oppressions systémiques est importante, l’on peut aussi se doter d’outils à même de nous accompagner dans la construction d’un nouvelle culture commune, d’une culture du soin.
Poser un cadre de confiance
Au début d’une réunion, d’un temps que nous allons passer ensemble, l’éducation populaire nous a appris à poser un cadre de confiance. Celui-ci rassemble à la fois des principes fondamentaux sur lesquels on s’appuie pour travailler/nous organiser, et des rituels/pratiques que l’on veut construire ensemble. Ce cadre de confiance peut devenir la charte du collectif quand il est plus aboutit.
Souvent, ce cadre est perçu comme ouvert et modifiable, métaphore d’une « membrane » qui est vivante. Il s’adapte aux besoins du collectif.
Voici quelques principes glanés qui permettent de poser dans un cadre de confiance.
Parler en son « je » pour ne pas oublier que son point de vue est situé.
Nous tentons de parler en notre « je », et ainsi de parler toujours depuis notre focale, notre ressenti. Je parle de moi et pas de « on » et donc j’assume mes propos sans en faire une vérité générale. C’est aussi l’occasion, quand vous discutez ou simplement quand vous donnez un avis, de vous demander dans quelle position vous êtes et ce qu’elle peut avoir comme impact sur l’autre.
Bienveillance et Parésia (= le courage de dire les choses)
Nous tentons de mettre en place une culture bienveillante, où l’on suspend au mieux possible notre jugement. Néanmoins, nous sommes d’accord pour expérimenter la possibilité de nous dire ce qui nous agace, nous dérange.
Responsabilité de sa parole, de ses émotions, de ses actes
Je suis lae seul⸱e à pouvoir décider pour et par mon corps, mes besoins, mes limites, mon engagement, mes émotions, mon énergie. Se faire confiance pour faire chacun⸱e fasse ce qui est bon pour nous, dans le respect du groupe. Par exemple, nous ne sommes pas obligé de rester assis⸱e sur la chaise toute la réunion. Nous pouvons faire des demandes de soutien si nous avons besoin.
Partage du temps de parole
Nous sommes vigilant⸱es à partager le temps de parole et à s’assurer que nous ayons toutes pu prendre la parole. Par exemple en priorisant par moment celles qui ne se sont pas encore exprimées.
Le consentement
C’est l’expression d’un accord enthousiaste, libre (donc sans la pression d’être jugé⸱e ou de devoir prouver quelque chose), révocable, spécifique (un oui qui vaut pour ce sujet et pas pour d’autres), éclairé (les personnes qui disent oui ont toutes les informations pour faire ce choix en conscience), individuel (vaut pour moi, pas pour toustes).
Aller plus loin
Brochures
Défaire les privilèges – Starhawk, Extrait de «The empowerment manual»
Comment la communication non violente (CNV) peut-elle être utile en ces temps de transformation ? – Roxy Manning
Éducation populaire et féminisme. Récits d’un combat (trop) ordinaire. – Analyses et stratégies pour l’égalité, par La Grenaille
Conceptualiser la parole incarnée – Monfreux et Pinorini
Formations
Les formations de Nous toutes – collectif féministe, sur la question des violences sexistes et sexuelles, nous vous conseillons
Collectif Holo – sur la question des dynamiques de pouvoir et privilèges, notamment sur le racisme
Formation au Théâtre forum – avec l’Ebulition
Liste des associations d’éducation populaire politisées auprès desquelles se former.
Outils
Guide pour animer un atelier « comprendre les privilège » – par payestonburnoutmillitant
Kit anti-oppression – de Ulex
Petit manuel d’éducation populaire conscientisante – Irène Pereira
« Pouvoir et Privilèges » – la boîte à outils de Diffraction
Livres
Education populaire et féminisme, Récits d’un combat (trop) ordinaire – la Grenaille, intégralité en ligne, extrait ici.
Mon privilège, ton oppression – Nathalie Achard, « anecdotes, chiffres clefs, exercices pratiques., cet ouvrage m’invite à prendre ma responsabilité, sans honte ni culpabilité, pour me donner les moyens concrets d’agir avec détermination et sérénité au service du changement sociétal. »
Rencontres radicales – Ouvrage collectif, qui vise à donner voix ensemble aux militant·es et aux théories, donnant une méthode de pédagogie non-oppressive, entre féminisme et analyse de la colonialité
Mécanique du privilège blanc – par Estelle Depris de Sans Blanc de Rien
Voix déterres – écoféminismes en germe
Les dévalideuses – Validisme
Melitruc – Validisme et psychophobie
Luttes des grasses – Grossophobie
Collectif.club – sur le soin des textes qui comptent
Regroupement Féministe du Nouveau-Brunswick – intersectionnalité
Podcasts
« La domination masculine empêche et détruit » – entretien avec Edouard Louis par Médiapart, à propos de masculinités toxiques